Claire Bretécher était une femme libre, de caractère. Elle dessine pour "échapper à l'ennui" et souhaite vivre de son art. Elle abandonne les Beaux-Arts au début des années 60 car la bande dessinée n'y est pas bienvenue. Elle enseigne le dessin, livre quelques illustrations à divers journaux jusqu'à sa rencontre avec René Goscinny, qui lui propose de travailler pour la presse jeunesse (Tintin, Spirou). A la fin des années 60, elle contribue à l'émergence de "la bande dessinée pour adulte" et intègre Pilote où elle est la seule femme de la rédaction. Elle y publie les aventures de Cellulite en 1969. En 1972, elle participe à la création de l'Echo des savanes, avec Gotlib et Mandryka. Son regard est remarqué et elle réalise une planche hebdomadaire dans le Nouvel observateur, la Page des Frustrés, dans laquelle elle livre son observation d'une classe sociale, les "bobos". Elle décide alors de se lancer dans l'autoédition et publie le premier album des Frustrés en 1975. Elle réalise, à partir de 1988, son autre grande série : Agrippine.
Bretécher marque la bande dessinée par les sujets qu'elle évoque, par son trait faussement simple, nerveux et expressif, par son humour incisif, son regard à la fois sensible et décalé et par son travail sur la langue (reprise du verlan, créativité linguistique). Elle a été l'une des pionnières de la bande dessinée à l'époque où l'univers du 9e art était essentiellement masculin. En 1976 elle remporte le prix du scénariste français du festival d'Angoulême pour le premier album des Frustrés et en 1982, elle est la première femme à recevoir le Grand Prix (spécial dixième anniversaire) du festival d'Angoulême. Elle reçoit également en 2016 le prestigieux prix allemand Max et Moritz pour une oeuvre remarquable, rejoignant ainsi Eisner, Crumb ou Tardi. En 2015, la bibliothèque publique d'information lui consacre une exposition rétrospective permettant ainsi de découvrir son talent de peintre, de portraitiste.
Claire Bretécher est morte le 10 janvier 2020, elle laisse une oeuvre associant humour et critique sociale, qui brosse sans concession et avec finesse son époque. Son ancrage sociologique est en effet manifeste, Roland Barthes la qualifie d'ailleurs de "sociologue de l'année" en 1976 !